Les Fils de l'homme
Les Fils de l’homme, réalisé par Alfonso Cuarón et mettant en vedette Clive Owen et Julianne Moore, a pris l’affiche au Royaume-Uni le 2006. Basée sur un roman de P.D. James, cette production de Universal Pictures est un suspense dramatique ayant lieu dans un proche futur. Cuarón a fait appel à Framestore pour s’attaquer à l’élément d’effets visuels posant le plus grand défi du film : un bébé généré par ordinateur, que l’on voit pour la première fois alors qu’il est en train de naître.
Une naissance difficile
L’action se passe en 2027, dans un monde où aucun enfant n’est né depuis 18 ans sans que la science puisse en expliquer la raison. Dans une Angleterre dystopique, rongée par la violence et les sectes nationalistes en guerre, Les Fils de l’homme suit la trajectoire d’un héros improbable de la survivance de la Terre : Theo Faron (Clive Owen), un ancien activiste désabusé devenu simple bureaucrate. Après la découverte inattendue de Kee (Claire-Hope Ashitey), une femme enceinte solitaire, Theo est contraint de faire face à ses propres démons et de protéger le dernier espoir de la planète au cours d’un voyage désespéré pour mettre cette femme en sécurité.
Dans l’un des moments clés du scénario, Theo tente de protéger Kee, dont la grossesse est alors très avancée, pour l’amener en lieu sûr. En traversant une ville de réfugiés ravagée par les conflits, Kee réalise qu’elle est sur le point d’accoucher. Les deux protagonistes trouvent refuge dans une chambre d’un hôtel bombardé et chassent leur guide et son chien. Sur un matelas de fortune, Kee donne naissance à son bébé entre les mains stérilisées au whisky de Theo, qui passe ensuite le nouveau-né à sa mère avec tendresse.
Pas de faux mouvements
Créer des humains à l’aspect réaliste par ordinateur est sans l’ombre d’un doute l’une des choses les plus difficiles à faire, même après 20 ans de progrès en informatique et avec un savoir-faire toujours croissant. Nos perceptions par rapport à notre propre espèce sont si affûtées que le moindre mouvement un peu décalé ou une teinte de peau légèrement mal calibrée peuvent briser la magie instantanément. Ajoutez à cela la pression d’introduire un bébé généré par ordinateur dans une scène tournée en une seule prise de trois minutes et demie, filmée avec une caméra à l’épaule, éclairée par une lampe-tempête portée à la main, avec le bébé en gros plan dès l’accouchement, et vous obtenez l’un des briefs d’effets spéciaux les plus exigeants de 2006.
Tim Webber, superviseur des effets visuels de Framestore sur le projet, déclare : « Cette scène étant un élément clé du scénario et un moment d’émotion intense, c’était absolument critique que les images aient l’air vraies à 100 %. On ne voulait surtout pas que les spectateurs décrochent à ce moment-là. Le défi était monumental, avec un bébé qui crie et qui donne des coups de pied. Mais les réactions que nous avons obtenues, même auprès de professionnels chevronnés des effets visuels, qui ont demandé si le bébé était réel ou non, nous indiquent que nous avons atteint notre but. »
Croyez-moi, je suis un supervieur des effets visuels
L’une des premières choses ayant été mises au clair par Cuáron était la confiance qu’il avait en Framestore. « Alfonso nous a fait comprendre que la logistique de cette séquence, la manière de la faire advenir, dépendait entièrement de nous », explique Michael Eames, superviseur de l’animation. « C’était un sentiment formidable, bien qu’un peu effrayant. » Eames était présent au tournage, en compagnie de Webber et du superviseur CG Andy Kind. « Le tournage n’a pris qu’une seule longue journée. Le tout s’est déroulé rapidement parce que nous ne faisions que deux prises, ayant convenu que la meilleure façon de mettre Kee en place pour la naissance était de joindre deux séquences de manière invisible lorsqu’elle est brièvement hors caméra. Ils entrent dans la pièce et la caméra se retourne vers l’entrée de la porte alors que Theo fait sortir la propriétaire. Lorsque la caméra revient, elle est allongée sur le matelas avec ses jambes (prothétiques) en position d’accouchement. »
Afin d’offrir aux acteurs quelque chose avec quoi travailler en plus de donner aux animateurs un point de départ, un faux bébé sans membres a été créé (sans membres pour faciliter son gommage plus tard dans le processus). Malheureusement, le mannequin était plus grand que nécessaire, ce qui a impliqué plus de travail pour compositeurs de la peinture numérique et de la rotoscopie. Une fois les plans tournés, l’équipe est retournée chez Framestore pour la longue tâche qui l’attendait.
Peu après le début des travaux sur la séquence de l’accouchement, Cuarón, démontrant à nouveau sa confiance envers l’équipe de Framestore, a décidé de revenir sur un certain nombre de plans mettant en scène un bébé animatronique qui est visible plus tard dans le film, et de remplacer l’animatronique par la version de l’enfant générée par ordinateur. Au total, Framestore a travaillé sur 32 plans pour Les Fils de l’homme, dont 20 avec le bébé.
Travail intensif
L'équipe paint avait de quoi s'occuper. En plus de retirer le bébé, ils ont dû retirer le gros câble qui alimentait la "lampe-tempête" en électricité. Ce n'est pas une mince affaire pour un tournage normal, mais il s'agissait d'une prise à la main de 3½ minutes ! De même, le suivi de la séquence a été un processus long et minutieux.
"Nous avons eu de la chance", déclare Andy Kind, "nous avons eu quelques mois d'avance sur le travail, pour la R&D, et nous avons développé le look assez tôt. La peau a été le plus grand défi que nous ayons eu à relever, je pense, et nous avons été considérablement aidés à cet égard par un certain nombre de bons outils Renderman qui venaient d'apparaître - par exemple, pour certaines des techniques de diffusion sous la surface que nous avons utilisées".
En ce qui concerne l'animation, bien que discrète, elle devait être parfaite. Nous sommes tellement habitués au vocabulaire du mouvement chez les êtres humains que le moindre geste ou tic peut briser l'illusion. Cela dit, il y a aussi la possibilité que le drame émerge naturellement de la scène. "Il y a souvent un moment d'immobilité quand un bébé émerge", dit Michael Eames, "dans cette seconde avant qu'il ne respire et ne commence sa vie en dehors de l'utérus. Il me semblait qu'il y avait là une grande chance d'ajouter du suspense. Était-il mort-né ? Avec tant de choses en jeu, c'est un moment très intense. Bien sûr, en dessinant ce moment, j'ai rendu le travail de Craig Bardlsey (l'animateur principal) encore plus difficile : vous faire croire qu'il s'agissait d'un vrai bébé que Theo tenait et faisait bouger, sans pour autant vous dire s'il était vivant ou mort. Plus difficile qu'il n'y paraît..."
Une fois que l'animation et l'aspect de la peau étaient corrects, il a fallu faire en sorte que le bébé s'intègre dans le plan et, plus précisément, dans les mains de Théo. Ce n'était pas une mince affaire en compositing avec un éclairage changeant et les mains de Theo qui tenaient une figurine plus grande et immobile. De nombreuses couches d'ajustements d'éclairage ont dû être appliquées ; les doigts de Théo ont dû être réanimés dans le compositing ; la robe de Kee a dû être modifiée par le mouvement du bébé, et ainsi de suite. Puis sont venus les ajouts subtils qui contribuent à rendre le plan crédible - une légère vapeur s'élevant du bébé, par exemple, et les gouttes de liquide qui en tombent.
Le rig et l'animation ont été réalisés dans Maya, le rendu dans Renderman, le tracking dans Matchmover et Boujou, le paint principalement dans Commotion et le compositing dans Shake.